Interview de Henri Emmanuelli, le Parisien
Publié par cedric - le 10/11/2008

Les militants ont choisi Ségolène Royal avec 29 % des voix. Est-elle désormais légitime pour conduire le PS ?

Henri Emmanuelli. Le message est assez clair. L’appareil et les élus ont été bousculés. Ségolène Royal porte peut-être l’aspiration au changement mais aussi une ligne stratégique d’alliance avec le MoDem et elle réunit à peine 30 % des voix.

Les autres motions, qui restent fidèles au rassemblement de la gauche, représentent 70 % du parti. Une stratégie qui réunit 30 % des voix ne peut l’emporter face à l’écrasante majorité des socialistes. Ce qui est devant nous, c’est un nouveau congrès de Metz, pas de Rennes.

Royal appelle à l’unité des socialistes.Que lui répondez-vous ?

Simplement que l’unité ne peut pas se faire sur une stratégie minoritaire. Or Royal a bien une stratégie minoritaire. Dans un souci de rassemblement, elle n’a pas ressorti sa candidature du « Frigidaire »… Ce qui m’importe, c’est la ligne. Je ne vois pas l’avenir du PS dans une alliance avec le centre droit.

Les autres motions peuvent-elles s’allier pour proposer une autre offre politique ?

Oui. Je souhaite que les amis de Martine Aubry, de Bertrand Delanoë et les nôtres s’entendent. Ces trois motions sont d’accord sur l’essentiel : l’opposition à un contrat de gouvernement avec le centre. Tous, nous voulons un PS qui soit ancré à gauche, sur des contenus de gauche. Il y a certes des petits écarts entre nous, comme sur l’Europe. Mais Benoît Hamon sait très bien que s’il veut être premier secrétaire du PS, cela passe par un large rassemblement.

Benoît Hamon pourrait être l’épicentre de cet éventuel rapprochement ?

Il incarne le rassemblement de la gauche et le renouvellement. C’est l’autre versant de l’aspiration au changement dans ce vote. Je le dis : osons ce changement ! Dans chacune des motions, il y a des gens de la génération Hamon qui peuvent très bien constituer une nouvelle direction. Les dirigeants plus « mûrs » seront là pour les épauler.

Un rapprochement entre Hamon et Royal est-il possible ?

C’est fort peu probable.

Souhaitez-vous entrer dans ce congrès avec un accord ?

Il faut respecter la chronologie du congrès et le travail des délégués. Mais boucler un accord avant Reims, ce serait convoquer les militants pour leur faire faire du tourisme.

Si Ségolène Royal devait conduire le PS, quelle serait votre attitude ?

J’aurais un sérieux problème. A cause de mon choix stratégique mais aussi parce que je suis très attaché à la laïcité et à l’orientation politique. Or, Ségolène est souvent plus déroutante que surprenante. Sur le fond, souvent, elle confond : elle mélange parfois certains concepts. Mon slogan n’a jamais été de réconcilier les Français avec l’entreprise.

Pourriez-vous adopter la même démarche que celle de Jean-Luc Mélenchon qui vient de quitter le PS ?

On ne dialogue pas avec les autres en brandissant des menaces. Mais si le PS devait ne plus être ancré à gauche, alors, comme des milliers d’autres militants socialistes, je me poserais des questions.