« Arrêtons le bal des egos et des aigris »
Publié par cedric - le 09/10/2009
RENAUD LAGRAVE. Le leader de l’opposition montoise et délégué communautaire évoque la CAM, la ville, le PS…

Conseiller municipal d’opposition, délégué communautaire et premier secrétaire fédéral du PS landais, avec ces trois casquettes, Renaud Lagrave n’a pas froid aux oreilles. Ce qui n’empêche pas quelques migraines de temps à autre. Ainsi lors de l’élection de Geneviève Darrieussecq à la présidence de la Communauté d’agglomération du Marsan (CAM) il y a deux semaines.


« Sud Ouest ».
Quel sentiment vous inspirent les derniers événements à la CAM ?

Renaud Lagrave. Geneviève Darrieussecq dit qu’elle n’a pas de stratégie tordue, or le jour du vote pour la présidence, c’est bien une stratégie de débauchage individuel qui a prévalu. Une stratégie qu’on voit aussi au niveau national. Il y a dix-huit mois les électeurs n’avaient voté en aucun cas pour Geneviève Darrieussecq comme présidente de l’agglomération. C’est bien une stratégie tordue avec une majorité fabriquée pour l’occasion. Ce n’est pas une stratégie de projet. Cela prouve bien que pour éviter un déni de démocratie, l’instauration du suffrage universel est plus que jamais d’actualité pour les communautés d’agglo.


De fait, Geneviève Darrieussecq a été élue avec des voix de gauche, voire des voix socialistes…


En aucun cas le Parti socialiste a décidé de passer des accords avec le Modem. On ne variera pas sur cette stratégie-là. Attention, s’il y a beaucoup de sympathisants de gauche parmi les délégués de la CAM, moins d’un quart des dix-huit maires sont membres du Parti socialiste (Renaud Lagrave cite de mémoire ceux de Campagne, Bougue, Gaillères, Geloux et Saint-Pierre du Mont, ndlr).


Le premier fédéral que vous êtes n’a rien pu faire pour empêcher ces défections ?

Ce que j’ai essayé de faire, c’est rassembler la gauche pour proposer une alternative à l’ancienne majorité. Certains ont malgré tout voté Darrieussecq.


Peut-il y avoir des sanctions en interne contre les délégués qu’Alain Vidalies qualifie de Judas ?

La section de Saint-Pierre-du-Mont (dont le responsable est Christophe Linxe, attaché parlementaire d’Alain Vidalies) va s’emparer du sujet. Elle pourra saisir la fédération si elle le juge nécessaire.


Et au-delà ?

Il faut que les uns et les autres se déterminent. Soit on continue à être aigri et à dire du mal de n’importe quel socialiste qui passe, soit on arrête. Il faut se mettre au travail pour changer d’ère. On a les moyens de rebâtir à gauche. Il y a des talents. Arrêtons le bal des ego et des aigris.


Avez-vous des regrets ?

Il fallait qu’on ait une explication. Je fais partie de ceux qui demandaient des réunions entre socialistes de l’agglomération. Ça m’a toujours été refusé. Je regrette, ça aurait permis d’éviter ça. On a créé des frustrations. J’ai vu tout le monde dans cette affaire mais on n’a pas eu la possibilité d’échanger tous ensemble.


À la CAM, vous vous retrouvez dans l’opposition.
Allez-vous davantage vous faire entendre que lors des 18 derniers mois ?

Pour m’exprimer, j’attends les sujets : le reversement de la taxe professionnelle et le contrat d’agglomération. Là on va pouvoir discuter et avoir un vrai débat. Il sera question de millions d’euros et d’engagement pour des années. Le premier acte de la nouvelle présidente a été de doubler les indemnités versées aux élus pour les amener à 200 000 euros (en fait elles passent de 109 000 à 192 000 euros). C’est un affichage politique qui m’a profondément choqué. On tombe dans le piège tendu par Sarkozy et Bertrand qui ne cessent de répéter que les élus coûtent trop cher. Il y a davantage de vice-présidents, c’est normal que les indemnités suivent mais, au moment où le chômage explose, cela pouvait se faire à enveloppe constante.


D’aucuns, Alain Vidalies en particulier, vous auraient bien vu premier vice-président…

Compte tenu de ce qu’il s’est passé pour la présidence, ce n’était pas envisageable. Je ne suis pas dans la même position qu’Alain Vidalies. À l’agglo, je suis, entre guillemets, « subi ». En 18 mois, je ne suis pas intervenu une seule fois. Mais ça va changer. Concernant les dossiers montois en particulier. J’irai aux commissions et avec les encartés, on va préparer les séances.


Quelle posture peut prendre Darrieussecq par rapport au bilan Jullian ?

Je connais par coeur sa technique qui consiste à dire, pour abandonner ou modifier un projet, « le dossier était mal ficelé ». À Mont-de-Marsan, c’est vrai pour le crématorium et pour la géothermie. On repart à zéro parce que le dossier a été monté par des gens qu’on n’aime pas. Il y a le centre-ville également, oublié pour tout alors qu’on nous avait annoncé une réflexion et un travail. Au contraire, on parle de fermer une école. Quand on veut redynamiser un centre-ville, on ne ferme pas une école. Et la voie Nord, un barreau central pour désenclaver le quartier et désengorger le centre-ville et la rocade, elle va être saucissonnée en trois tranches. À ce rythme, on ne verra rien avant dix ans.


C’est le bilan que vous tirez des dix-huit mois de mandat Darrieussecq ?

Le bilan Darrieussecq, c’est énormément de dossiers dans la continuité mais qui ont subi une crise d’amaigrissement financier et d’ambition. Ce sont quelques paillettes pour briller ici ou là, comme pour le Stade Montois rugby ou les conseils de quartier. Il n’y a pas de grand dessein. Si on rabougrit les dossiers, c’est aussi parce qu’il n’y a pas d’argent. Je suis pour l’augmentation des impôts.


Six ans sans les augmenter comme promis par Geneviève Darrieussecq lors de sa campagne, ça vous semble possible ?

On peut y arriver en tapant dans l’os du service public local, en ne remplaçant pas les départs en retraite, en privatisant l’ouverture des caveaux, en fermant une école… Est-ce original ? Non. C’est ce que fait le gouvernement.

 

Auteur : propos recueillis par Jean-pierre Dorian
et Jean-françois renaut