convention nationale d’adoption du projet
la fédération du PS des Landes
Publié par cedric - le 03/07/2006
Discours de François Hollande, convention nationale du 1er juillet 2006

le 01/07/06

Dans à peine 10 mois, la France aura changé de Président de la République. Et, si les choses se passent comme nous l’espérons, dans 10 mois, la France aura changé de majorité. Il sera mis fin à un quinquennat commencé dans la tragédie électorale avec la présence de Le Pen au second tour et qui s’achève dans la farce démocratique, avec une interminable fin de règne.

Notre rendez-vous est une étape essentielle de ce processus vers ce que nous espérons tous être l’issue heureuse, celle de la victoire. Processus qui doit conduire notre pays au changement, celui auquel confusément il aspire, mais dont il ne connaît encore ni la forme précise ni le contenu exact.

C’est le rôle de notre Convention que de donner le sens de la politique que nous voulons proposer pour les cinq années qui viennent et de préparer notre parti à affronter les échéances électorales majeures avec la triple exigence du renouvellement, de l’unité du Parti socialiste et du rassemblement de la gauche. Je suis confiant par rapport à l’enjeu.

La synthèse que nous avons voulu, les uns et les autres, lors de notre Congrès du Mans, aura produit tous ses effets et même au-delà. Elle nous a rendu plus forts pour combattre la droite, et c’est ainsi qu’avec l’appui du mouvement social –les syndicats comme les jeunes- nous avons fait reculer le gouvernement et la majorité sur le CPE. C’est parce que les socialistes étaient unis que nous avons pu entraîner les autres et obliger le Premier ministre à entendre la voix d’une majorité de nos concitoyens. C’est ainsi que nous avons pu faire reculer le Président de l’UMP qui avait conçu ce contrat pour s’en désolidariser piteusement ensuite.

Nous avons été rendu plus forts, ensuite, pour rassembler la gauche et dépasser le clivage –introduit au sein même de notre Parti- né du « oui » et du « non ». Le Parti socialiste s’est replacé au cœur de l’alternance. Nous avons pu reparler à l’ensemble des familles de la gauche, y compris à celles qui n’ont guère l’esprit de famille.

Plus forts également pour convaincre nos concitoyens de l’utilité du Parti socialiste. Et nous avons connu le plus fort mouvement d’adhésion de notre histoire : 80 000 nouveaux socialistes –autant qu’à l’occasion du Front populaire ou de mai 1981. Et, en plus, avant la victoire ! Sans doute pour l’annoncer. Je veux les remercier, saluer ceux qui les représentent aujourd’hui et les accueillir. Bienvenue dans votre Parti ; bienvenue pour préparer l’alternance ; bienvenue pour rassembler la gauche ; bienvenue pour réussir ensemble. Cela n’enlève aucun mérite à ceux, déjà nombreux, qui avaient rejoint le Parti socialiste il y a longtemps et qui ont eu l’obligeance d’y rester.

Mais, l’esprit de synthèse a également prévalu pour l’élaboration de notre projet. Un travail de plus de 6 mois, de multiples contributions ont permis à la Commission du projet de hiérarchiser nos priorités, de leur donner un sens et de les présenter aux adhérents pour un débat qui aura permis la discussion sur des milliers d’amendements (tous n’ont pas pu être repris) et qui aboutit au texte qui est aujourd’hui présenté, après avoir été approuvé par plus de 85 % de nos adhérents et avec une participation qui a associé plus de 100 000 militants. Tout ceci fut accompagné par les Etats généraux du projet (avec Henri Emmanuelli) où nous nous sommes retrouvés nombreux avec les forces vives –associations, syndicats- pour confronter nos points de vue et, parfois, cheminer ensemble.

Mais, un projet n’est pas un exercice interne de démocratie militante. C’est une somme d’engagements que nous portons collectivement devant les Français. Et il nous engagera tous. Il nous engagera d’abord comme militants socialistes pour le promouvoir auprès des Français, le défendre, l’expliquer et, ensuite, pour le soumettre à leur jugement. C’est plus qu’un socle -ce qui supposerait que l’on puisse s’asseoir dessus- ou un cadre qui laisserait libre la composition du tableau. C’est le contrat que l’on veut passer avec les Français pour réussir le changement. Nous en sommes, nous, maintenant, les premiers signataires.

Notre projet prend toute la mesure de la situation de la France. Elle est inquiète : mondialisation libérale, Europe en panne, impuissance du politique. Elle est découragée : chômage par les radiations et non par les emplois créés, inégalités qui se creusent, rémunérations invraisemblables, faramineuses que s’accordent des dirigeants, déficit, dettes. Elle est divisée : stigmatisation de la jeunesse, des pauvres, des étrangers. Elle n’est pas en déclin ; elle est dans de mauvaises mains.

La France dispose de nombreux atouts : démographie (une des plus significatives d’Europe), dynamisme économique entravé, innovation, recherche, entreprises performantes, création culturelle, des services publics de qualité, une vitalité démocratique ; et puis il y a la France généreuse, capable de se mobiliser sur des causes qui paraissent, parfois, lointaines mais si proches. Je suis fier de cette France qui se mobilise pour soutenir les enfants et les familles qui sont aujourd’hui menacés ; ces enfants que l’on voudrait capter à la sortie des écoles pour les renvoyer chez eux avec leur famille dans un pays où ils n’ont plus de place. En tout cas, ils ont leur place dans notre pays. Cette générosité-là appelle de notre part un effort de solidarité et un sens des responsabilités et une confiance.

D’où viennent donc ce sentiment de malaise, ce doute dans la possibilité du progrès, cette peur devant l’avenir, cette impression de recul, cette tentation du repli, cette expression de résignation ?

Notre pays traverse une crise qui est d’abord une crise de confiance.
La crise est d’abord politique. Elle concerne les pratiques, celles d’un pouvoir finissant qui a érigé l’irresponsabilité en principe, qui décide de tout et n’est comptable de rien. L’amnésie et l’amnistie font figure de règles de comportement. La crise touche aux institutions elles-mêmes : un Exécutif faible à force d’être tout puissant ; un Parlement impuissant à force d’être faible ; des élus chargés de responsabilités sans moyens pour les exercer ; des citoyens privés de responsabilités, mais qui se donnent les moyens de sanctionner les gouvernements successifs.

D’où l’ampleur de la crise morale qui n’est pas pour rien dans la crise économique : une croissance trop faible et trop peu créatrice d’emplois et la crise républicaine qui a installé la précarité et les discriminations au cœur de notre société.

Les émeutes des banlieues de cet hiver, le CPE du printemps dernier sont les symptômes de cette incapacité de la Nation à honorer la promesse républicaine. Une société qui n’est pas capable d’assurer la solidarité des générations –et notamment à l’égard des plus jeunes- et l’égalité réelle entre les individus ne peut trouver les ressorts de sa cohésion et les conditions de son harmonie et donc, de son développement. Le redressement est à ce prix : pas de progrès économique sans une nouvelle donne sociale. Mais pas de changement durable sans effort collectif.

Nous devons donc refonder le modèle français qui est celui de la réussite pour tous.

Tel est le sens de notre projet :

• répondre à l’urgence sociale et à l’exigence d’un nouveau modèle de développement.
• Nécessité de l’immédiat ; ce qui ne peut plus attendre : pouvoir d’achat, chômage, précarité, logement, discriminations ;
• Préparation de l’avenir : Education, Recherche, l’indépend&ance énergétique, l’exigence écologique, les transports, territoires. C’est là que le rôle de l’Etat trouve sa justification : réparation, redistribution, rénovation, anticipation ;
• Nécessité de la durée : il ne faut pas avoir peur du temps ; il ne faut pas imaginer que nous réaliserons tout tout de suite ; concevoir notre travail démocratique le temps d’une législature et même au-delà ; il nous faut vaincre la fatalité qui pèse sur la gauche française –et sur nous en particulier- qui voudrait que nous serions capables de nous faire élire une fois mais incapables de nous faire réélire.

Nous devons prendre cinq grands engagements dans le cadre de notre projet :

1/ – REUSSIR LE PLEIN EMPLOI

Nous ne voulons pas masquer la difficulté, mais, en même temps, évacuer la responsabilité. Il faut ramener le taux de chômage de 5 % d’ici 2012 : pour cela nous avons besoin de croissance et de nouveaux instruments.

Le retour de la croissance est fondé sur une stratégie globale :
Nous l’obtiendrons par le regain du pouvoir d’achat : c’est là que la revendication du SMIC à 1500 euros avant la fin de la législature prend tout son sens, au-delà de l’exigence sociale. Mais, là aussi, il ne s’agit pas simplement d’augmenter un salaire minimum, mais d’assurer la progression de l’ensemble des rémunérations. La question de la conférence salariale doit trouver sa réponse.

De la même manière qu’il doit y avoir un partage nouveau des richesses produites dans l’entreprise –valeur ajoutée, la redistribution doit s’opérer par l’Etat et par les acteurs de la protection sociale pour permettre, justement, que ceux qui ont le moins soient moins prélevés, moins soumis à l’injustice fiscale et que ceux qui ont le plus soient davantage sollicités. C’est le sens de l’impôt citoyen sur le revenu.

Nous l’obtiendrons aussi par l’investissement : nous devons revendiquer la proposition de distinguer le taux de l’impôt sur les sociétés selon que les bénéfices sont distribués et méritent, là, le prélèvement ou, au contraire réinvestis dans l’entreprise sous forme de recherche, d’innovation ou, tout simplement, d’investissement matériel et qui justifient, là encore, l’encouragement fiscal.

Mais, il n’y aura de croissance que s’il y a élévation du savoir, de la connaissance, de la formation et c’est tout le sens là encore de la priorité première que nous donnons au budget de la recherche qui doit augmenter de 10 % par an et à la rénovation de l’université.
Et, si nous accordons une allocation d’autonomie, ce n’est pas uniquement pour répondre à une pression sociale nécessaire pour assurer l’égalité des chances ; c’est pour permettre à tout étudiant qui s’inscrit à l’université de sortir avec un diplôme, une qualification et, demain, un emploi. C’est le devoir que nous devons assurer pour ces jeunes et pour leurs parents.

Nouveaux instruments pour l’accès à l’emploi :

C’est la proposition que nous faisons de la sécurité professionnelle, non pas de l’emploi à vie, de l’emploi garanti, mais de la capacité que nous aurons –pour les jeunes avec EVA, puis pour tous les salariés- à mettre à disposition une formation professionnelle d’autant plus longue que le salarié aura eu une formation courte. C’est le compte individuel de formation que nous ouvrons. Puis, il faut organiser le service public de l’emploi, non pas pour en faire une administration mais pour faire de l’individualisation, de l’accompagnement, de la personnalisation. Que l’on nous fasse pas croire qu’aujourd’hui, ceux qui sont radiés des statistiques du chômage sont accompagnés ! Ou alors, si, vers le RMI, voilà comment s’obtient la diminution du chômage dans cette République finissante.

2/ – REUSSIR L’EGALITE REELLE

C’est pourquoi nous faisons du budget de l’Education nationale une priorité.
Nous ne sommes pas uniquement dans le quantitatif. Nous savons bien qu’il faut faire évoluer nos pratiques, nos méthodes, nos manières d’agir. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit le service public de la petite enfance, accessible aux enfants dès l’âge de deux ans associé à l’école maternelle, permettant aux parents l’équilibre entre vie professionnelle et vie de famille et aux enfants l’égalité des chances;

Nous devons rendre la scolarisation obligatoire dès 3 ans et assurer l’accompagnement scolaire, alors que l’on sait qu’aujourd’hui la marchandisation s’est installée au cœur de l’école.

Nous avons des propositions sur le logement (le bouclier logement), la solidarité territoriale, la solidarité entre générations. Nous faisons nos propositions pour que, sur les retraites, nous abrogions une loi, celle dite de Fillon, et en même temps de préparer la négociation qui ouvrira les conditions d’une retraite garantie, ce qui supposera d’en fixer les critères –et notamment la pénibilité- mais aussi les financements. Car il nous faudra assurer le financement des retraites aujourd’hui gravement déséquilibré.

Et puis, il y a la sécurité qui fait aussi partie du pacte républicain. Nous ne devons pas fuir ce débat. L’échec de la droite est patent sur ces questions ; les violences aux personnes n’ont cessé de progresser, les violences à l’école n’ont cessé de se multiplier. On parle même d’une explosion de la délinquance juvénile… Et le Ministre de l’Intérieur viendrait nous faire la leçon. Il est à la fois inhumain et inefficace, c’est la critique que nous devons lui adresser.

Il ne faut rien craindre de ce débat, à condition d’être clairs sur les principes : fermeté contre la délinquance et contre toutes ses causes ; prévention et sanction ; lutte contre toutes les formes de violence ; éducation et punition ; et trouver toutes les alternatives possibles à la prison.

L’égalité réelle, c’est aussi la santé, la lutte contre la pauvreté… Il y a tant à faire et il faudra faire nos choix.
3 /- REUSSIR LE DEVELOPPEMENT DURABLE

Longtemps, les socialistes sont apparus comme intimidés par ces questions, comme si elles n’appartenaient pas à leur socle de pensée, comme s’ils ne voulaient pas aller jusqu’au bout de leurs engagements de socialistes.

Pourtant, il y a un réchauffement de la planète. Oui, il faudra prendre des mesures fiscales ; oui, il faudra donner priorité aux transports collectifs ; oui, il va falloir faire payer les pollueurs ; oui, il faudra faire un plan d’économie d’énergie –notamment pour le logement ; oui, il faudra un pôle public de l’énergie pour garantir l’indépendance et la qualité de l’intervention.

4 /- FAIRE REUSSIR LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE

L’Europe est en panne. Pas seulement depuis le 29 mai, mais depuis qu’élargie à 25 elle peine à trouver une nouvelle direction, un nouveau moteur. Les socialistes sont européens. Européens, cela ne veut pas simplement dire avoir un marché et une monnaie et s’ouvrir aux autres ; Européens au sens de l’Europe politique, porteuse d’un modèle de développement économique et social. Ce qui suppose clarté et de la volonté :
– Clarté sur les frontières de l’Europe
– Clarté sur les règles que nous opposons au marché, ou comment nous l’accompagnons
– Volonté pour faire l’Europe de l’emploi, pour faire l’Europe sociale et de l’harmonisation fiscale
– Volonté pour établir un tarif extérieur commun si nous voulons être, dans la mondialisation, à armes égales
– Volonté pour ne pas renoncer à notre perspective institutionnelle et politique. Nous voulons une politique extérieure et de sécurité commune en Europe. Nous voulons une Europe capable de porter une espérance et de peser sur le monde. Il faudra donc revenir sur la question du traité constitutionnel. Il faudra cependant y travailler et faire que si, demain, nous y parvenons avec d’autres (nous ne sommes pas sans partenaires et sans alliés) nous le soumettions aux Français –c’est la règle en démocratie

5 /- REUSSIR LA DEMOCRATIE

C’est un objectif mais aussi une méthode. C’est peut-être ce qui nous a manqué. Il faut répartir le pouvoir –nous l’avons fait avec la décentralisation. Il faut rénover nos pratiques –nous y avons manqué de courage et d’effort.

Aujourd’hui, si l’on ne prend pas conscience que la démocratie est à la fois le but ultime –faire que chaque citoyen puisse décider- mais aussi la méthode, nous rencontrerons les mêmes difficultés, les mêmes déconvenues que lors de nos trois précédentes législatures.

Il faut changer de politique, mais il faut aussi changer la politique. D’abord les institutions ; il faut poser le principe de responsabilité car il est fondateur en République et cela vaut d’abord pour le Chef de l’Etat qui doit avoir un statut –ce n’est d’ailleurs pas forcément pour se protéger.

Il faudra aussi que le Parlement maîtrise son rôle de législateur, avec un ordre du jour, avec la suppression du 49.3, le contrôle de l’Exécutif, le contrôle de la politique étrangère. Cela supposera aussi un Parlement rénové dans ses formes. C’est pourquoi, nous proposons le mandat unique pour les parlementaires.

Il faut aussi une démocratie plus directe avec la décentralisation qui devra connaître une nouvelle étape, la loi d’initiative citoyenne, le droit de vote des étrangers aux élections locales qui doit enfin être reconnu, à la condition que l’on dise dès à présent que, pour y parvenir, il n’y a pas d’autre voie que celle du référendum. On en connaît les vertus, on en sait les risques… A nous donc d’être convaincants.

Mais, au-delà de la démocratie politique, nous n’arriverons à porter nos engagements, à mettre en œuvre nos propositions, à convaincre le pays que si nous avons une démocratie sociale active, que si nous respectons les syndicats, que si nous les renforçons, que si nous les associons non pas à nos décisions, mais aux décisions du pays tout entier. D’où le principe d’abord de reconnaissance de la démocratie sociale, de l’accord majoritaire, du financement des syndicats mais aussi du droit des salariés à être dans les lieux de décisions de l’entreprise ; non pas de décider comme les actionnaires, mais de décider dans l’entreprise pour l’intérêt de l’entreprise. D’ailleurs je crois que, aujourd’hui, même les actionnaires auraient intérêt à ce que les salariés soient dans les conseils d’administration !

Démocratie plus directe, mais démocratie plus responsable. Cela vaut pour ceux qui exercent des mandats et cela vaut aussi pour les citoyens. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une proposition : le service civique obligatoire. Tout le monde est pour. Mais, le jour où nous mettrons en œuvre cette proposition, on viendra nous parler de volontariat. A nous d’expliquer que pour du lien social, pour de la participation, que pour de l’utilité collective, que pour le pays lui-même, il ne faut pas toujours tout recevoir ; il faut aussi à un moment donner. Donner ce qu’il y a de plus cher, son temps, une partie de sa vie. Mais recevoir aussi cette gratification essentielle qui s’appelle l’acte généreux, solidaire, utile aux autres et à soi-même.

Mais, si l’on veut dire qu’il y a des devoirs, il faut aussi dire qu’il y a des droits. Droits à l’égalité, c’est pourquoi nous devrons être exigeants pour lutter contre toutes les discriminations, pour lutter contre toutes les violences –notamment celles faites aux femmes, pour lutter pour le droit de chaque individu à pouvoir vivre selon son orientation sexuelle –c’est le sens de la reconnaissance du mariage pour tous les couples ; ce ne sera pas facile de faire voter ces dispositions. Et puis, il y a la question des minorités visibles –expression d’ailleurs que je voudrais pas laisser s’installer, comme s’il y avait des majorités invisibles.

Voilà notre projet. Il fait appel à la volonté, sans laquelle il n’y a pas de changement possible, mais aussi à la crédibilité, sans laquelle il n’y a pas de changement durable.

Ayons la franchise de regarder la réalité en face. La droite nous laissera un héritage particulièrement lourd : une croissance molle, un chômage dur et qui ne baisse que par des habilités temporaires et des habillages statistiques, une dette qui s’est creusée de plus de 120 milliards d’euros en 5 ans.

Il faudra évaluer nos engagements –nous venons de le faire ; hiérarchiser nos priorités, gérer le temps, gouverner tout le temps de la législature et donc évaluer les résultats. Nous avons l’exigence du réalisme. Nous expliquons quelles dépenses nous consacrons, quelles recettes nous trouverons, quelle croissance nous engagerons.

Nous n’avons pas de leçon à recevoir de la droite qui a creusé tous les déficits, financé par emprunt ses cadeaux fiscaux et par découverts bancaires la sécurité sociale. Ce sont d’ailleurs nos enfants et nos petits-enfants qui vont payer les cadeaux fiscaux accordés aujourd’hui aux plus grandes fortunes de notre pays. N’ayons aucun scrupule sur ces questions de finances.

Acceptons aujourd’hui la confrontation, bilan contre bilan, projet contre projet.

La droite a échoué. Son échec est si patent que son candidat qui prétend la représenter pour l’élection présidentielle est pour la rupture. Comment peut-on rompre avec une réussite ? S’il était si fier de ce qu’il a fait, de ce qu’il a produit, lui qui est au pouvoir depuis 4 ans et demi, demanderait à continuer… Et bien non, il veut rompre. De la même manière, il veut inventer la France d’après ! C’est donc que la France d’aujourd’hui ne lui plait guère ! C’est la sienne, elle lui ressemble ; c’est celle qu’il a voulue avec ses amis. S’il n’en est pas heureux, qu’il parte ! Mais, il s’accroche, il reste. Pour faire campagne, c’est plus simple pour se déplacer, pour rencontrer ses amis ; pour s’en protéger aussi, car ils se livrent une lutte sans merci ! On a compris que les services secrets étaient un enjeu ; non pas que la concurrence soit à écarter dans les formations politiques, mais nous n’utilisons pas les services secrets pour nous départager, ce sont les militants, chez nous. C’est mieux.

La droite n’en est pas moins dangereuse :
• par ses méthodes :
– elle attise les divisions entre les Français, entre les salariés, entre les générations, entre les quartiers et même entre les religions que l’on encourage en tournant le dos aux principes de notre République laïque.
– Elle utilise les peurs, en voulant faire de la sécurité et de l’immigration le seul sujet du débat politique, au risque calculé de mettre l’extrême droite au centre de la campagne électorale qui vient.
– Elle entretient les confusions. Et c’est maintenant N. Sarkozy qui reprend les thèmes, voire les inspirateurs, de Jacques Chirac de 1995 avec la fracture sociale. Elle sait que sur son terrain –le libéralisme- elle est sûre d’être battue ; alors elle ruse, elle biaise, elle contourne et adopte le discours compassionnel pour s’adresser à toutes les catégories sociales supposées connaître à l’identique les mêmes souffrances. Sa tactique est toujours la même : le discrédit de la politique, l’indifférenciation des projets.

• Par ses propositions :
– démantèlement de la progressivité de l’impôt : Impôt sur le revenu, impôt sur la fortune protégé par un bouclier, impôt sur les successions payés par 20 % des Français ;
– démantèlement de la protection sociale : instauration de franchise sur les cotisations maladie ;
– démantèlement du contrat de travail : heures supplémentaires, travailler plus pour ne pas gagner davantage ;
– démantèlement des principes de la République avec le principe de l’immigration choisie ; alors que l’on découvre que la politique de Nicolas Sarkozy aboutit à maintenir sur notre territoire des milliers de personnes ni régularisables ni expulsables.

Voilà pourquoi la bataille pour 2007 est d’abord une confrontation sur les idées, les projets, les conceptions de la France. Pas d’un parti contre un autre pour occuper les places, pas celle d’une personne contre une autre pour exercer solitairement le pouvoir.

Nicolas Sarkozy a fait un aveu : la France se donne à celui qui en a le plus envie.
Mais, la France ne se donne pas plus qu’elle ne se prend. Ce n’est pas une fille légère. Elle décide pour son avenir. Elle n’est pas là pour se donner ou pour se vendre. Elle est là pour choisir elle-même. Elle est souveraine et tout le monde doit la respecter.

C’est une conception de la politique qui nous rend forts et crédibles. Le projet n’est pas accessoire dans le grand rendez-vous électoral qui s’annonce. Il est principal, mais il ne peut être le projet du seul Parti socialiste.

Il a vocation à rassembler la gauche. Je ne parle pas là des candidatures à gauche…Encore que l’on serait bien inspirés de ne pas les reproduire excessivement si l’on ne veut pas retrouver le dilemme de 2002. Je parle de la dynamique politique. Une plateforme commune de la gauche, on le sait, peut la créer. Nous en avons l’expérience ; nous savons que des textes communs peuvent entrainer l’adhésion. C’est la raison pour laquelle j’appelle toute la gauche qui veut travailler, non pas simplement à battre la droite mais à gouverner ensemble, à se retrouver dès le mois de septembre pour définir avec les méthodes qui seront les plus simples, les plus ouvertes, les propositions qui peuvent nous rassembler tous. IL faut à l’automne ce grand rassemblement de la gauche sur quelques propositions fortes, tirées de notre projet ou d’autres, sur lesquelles nous pouvons, quelles que soient les candidatures, nous présenter devant les Français en leur donnant pas simplement la perspective d’une victoire mais d’un gouvernement commun le moment venu.

Il y a la gauche de la gauche (en tout cas, c’est comme cela qu’elle s’appelle) qui ne sera sans doute pas à ce rendez-vous. Je respecte son choix de ne pas participer au pouvoir –c’est d’ailleurs la plus sûre façon de ne jamais décevoir. Mais, au moins, que cette gauche de la gauche ne nous empêche pas de battre la droite ! Elle nous demande de participer à des batailles communes –nous répondons présents : CPE, privatisation de Gaz de France, les lois Sarkozy… Qu’ils nous permettent donc de leur faire une demande à notre tour :qu’elle ne prenne pas le risque, par son silence, du maintien d’une droite qui veut être encore plus à droite que la droite d’aujourd’hui.

Rassembler la gauche, c’est toujours un effort pour les socialistes, mais c’est aussi une condition de notre victoire. Si la gauche gagne en 2007, qui nous représentera et représentera la gauche au second tour si ce n’est un ou une socialiste ? Si nous sommes majoritaires à ‘Assemblée nationale au lendemain de la présidentielle, quel sera le groupe le plus important, si ce n’est le groupe socialiste. Pour autant, nous avons besoin d’alliés pour réussir. Les socialistes ne veulent pas gouverner seuls. Nous avons besoin d’une majorité large et durable à gauche, fondée sur une culture de coalition. N’ayons pas l’illusion qu’une victoire électorale nous assurera pour longtemps la confiance du peuple français. Je propose qu’à l’avenir la place des partis soit renforcée dans l’action gouvernementale et que l’on crée une vraie fédération de la gauche –si nous sommes majoritaires- capable en cours de mandat d’évaluer nos actions, nos pratiques et d’accompagner la politique gouvernementale.

Voilà notre projet, notre stratégie, notre démarche. Je n’ignore pas le choix des personnes pour les élections législatives. La parité, nous l’avons réalisée enfin. C’est le combat des femmes (et des hommes je l’espère) depuis longtemps dans le Parti socialiste.
Nous allons présenter aux élections législatives autant de femmes que d’hommes et éviter ainsi de payer l’impôt de « l’infamie » qui consiste à rembourser à l’Etat les dotations qu’il nous accorde parce que nous n’avons pas respecté l’objectif de parité.

Sur la diversité, il y a des progrès, mais aussi des efforts à faire. Nous les ferons.

Le temps viendra, il est proche, du choix de notre candidat ou de notre candidate pour la présidentielle. Je respecte toutes les personnes qui pensent pouvoir aujourd’hui représenter notre Parti lors de cette échéance. Mais, au-dessus de chaque ambition personnelle légitime, il y a l’intérêt général du Parti socialiste, de la gauche, de notre pays. Il n’y a pas de victoire individuelle ; il n’y a que l’incarnation d’une dynamique collective. Celui ou celle qui sera choisi par nous ne sera pas simplement celui ou celle par lequel le changement se fera. C’est nous qui devront être associés aux responsabilités. Ce n’est pas le choix d’une personne, c’est le choix d’une équipe, d’une conception, d’une force qui ne pourra durer que si elle reste unie et collective.

C’est pourquoi, en tant que Premier secrétaire, je veux maîtriser ce processus. Respecter d’abord le calendrier ; nous ne sommes pas dans le temps des candidatures, mais dans celui du projet. Respecter les personnes ; veiller aussi à ce que les personnes elles-mêmes se respectent. Respecter aussi le Parti socialiste.

Celui ou celle que nous choisirons doit être renforcé par ce processus et en aucune façon amoindri. Parce que la gauche nous regarde et son rassemblement dépend de notre propre unité ; parce que les Français ne nous pardonneraient pas de laisser passer l’occasion de l’alternance après ce qui s’est passé en 2002. Ils attendent beaucoup de nous.

Nous avons fixé un calendrier avec le dépôt des candidatures fixé au 3 octobre 2006 ; une campagne interne s’ouvrira fondée sur une stricte égalité. Il y aura des débats ouverts pour éclairer le vote des militants. Mais, en aucune manière, il n’y aura de combat de socialistes contre des socialistes. SI c’était le cas, il ne s’agirait pas d’une responsabilité individuelle mais collective.

Le vote militant nous offre toutes garanties, à la condition de leur dire les enjeux et de les éclairer. Ma démarche est toujours la même : c’est de savoir le moment venu qui sera le mieux placé pour rassembler les socialistes, pour faire gagner la gauche et, ensuite, diriger le pays avec une équipe et dans le respect des engagements qui auront été pris collectivement, c’est-à-dire de notre projet.

Ma démarche n’a pas changé depuis que je suis Premier secrétaire. On dit que la pression s’accentue : rassurons donc ceux qui ont quelque compassion pour moi : quand on a connu ce que l’on a vécu depuis cinq ans, le plus difficile est fait. Cela ne veut pas dire que le plus simple commence. Cela veut dire que nous devons être conscients de nos responsabilités.

Je n’ai qu’une seule référence, une seule boussole, une seule condition pour mon action : la synthèse des socialistes, le rassemblement, l’unité.

Je n’ai qu’une ambition et vous la partagez : faire gagner la gauche en 2007 et réussir après. Réussir l’alternance, réussir le changement, faire réussir la France.

C’est pourquoi, avec vous, avec tous, je porterai notre projet