Régionales 2015 dans les Landes : infatigable Renaud Lagrave
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Publié par cedric - le 01/12/2015
Régionales 2015 dans les Landes : infatigable Renaud Lagrave
Premier portrait des têtes de liste, avec le candidat socialiste. À 48 ans, le candidat sortant entame une deuxième carrière : après avoir été l’homme d’appareil, il veut être l’homme du peuple.

Article de Audrey Ludwig paru dans Sud Ouest Landes

Pour son portrait : « J’ai choisi le centre de formation des apprentis et le lycée Estève, car d’abord c’est à Mont-de-Marsan. Avec la Région, on a voulu rapprocher ces deux entités. Ce pôle est un outil formidable pour la formation et l’avenir de la jeunesse. Je continue de faire campagne pour ça. »

Qu'est ce qui fait courir l'infatigable Renaud Lagrave ? Des convictions, tous vous le diront. Comme tout politique qui se respecte, certes, mais avec une constance, une cohérence et une abnégation jamais démenties en presque trente ans d'engagement. Avec la certitude qu'elles doivent guider la société. « Il est sincère, solide sur ses fondamentaux, traduit Stéphane Cahen, l'un de ses proches amis (qui lui a succédé au poste de premier fédéral). Il a un moteur qu'on n'a pas tous. Tous les militants veulent faire de la politique pour changer la vie, transformer la société. Il y en a tellement qu'on ne revoit plus, qui ont abandonné. Lui possède une foi, une capacité d'action à entraîner les autres, parfois un peu bulldozer, mais généreux. Quand des discours différents émergent, il est sans concession. Il est capable de le dire tout de suite aux gens au risque d'être cash. C'est ce qui fait son charme, tu sais où tu vas avec lui ! »

De Paris

Et si Renaud Lagrave sait où il va, c'est qu'il sait d'où il vient. De Montreuil-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, mais de Paris surtout, où il a grandi dans une famille « politisée ». Et brillante. « Mon papa, ma maman et mon frère sont des personnes assez reconnues dans leur domaine, explique le Montois d'adoption. Ma mère fait partie des gens qui ont fondé le MLF (1) et est vice-présidente des Hautes études en science sociale, chercheuse au CNRS. Mon père fait partie de ceux qui ont refusé de faire la guerre d'Algérie et qui ont fait deux ans de prison. À 18 ans, cela forge un homme. Ingénieur chimiste, sans le bac, il a construit des logements en Palestine et a beaucoup travaillé sur la question de l'eau. Quant à mon frère, c'est un taré (sic) ! Il a eu son Capes philo, fini premier, et il a démissionné pour devenir chanteur d'opéra ! Aujourd'hui, Sébastien est directeur du festival Africolor (2). »

C'est sur les épaules de son père qu'il ressent la liesse à la Bastille en 1981, qu'il supporte le PSG, le club de son cœur, en tribune d'Auteuil. C'est aussi avec lui qu'il lutte au Larzac ou vote pour la première fois. Un moment très fort. « C'était aussi sa première, puisqu'il avait été déchu de ses droits. » Mais c'est surtout sa mère, engagée dans de nombreuses causes, qui éveille sa conscience. « Elle accueillait des étudiants réfugiés à la maison. Avec mon frère, on devait dormir n'importe où pour leur laisser la place. Ces étudiants fuyaient parfois leur pays ou avaient simplement besoin d'aide en arrivant. Je me souviens d'une étudiante chilienne qui avait été torturée… »

De grouillot à premier fédéral

À 17 ans, en terminale, déjà grand admirateur de Nelson Mandela, il décide de prendre son indépendance. Pour ne pas se construire à l'ombre de ces êtres très chers mais si lumineux ? « J'ai commencé à travailler comme veilleur de nuit dans un hôtel du 15e arrondissement. Je bossais la nuit, et le jour j'étais en fac à Nanterre. J'ai fait ça trois ans. Cela me payait tout, loyer, bouffe, la vie quoi ! Je ne voulais pas devoir quelque chose. » À la fac, en Deug AES (3) et syndicaliste à l'Unef (4), il plonge dans la rue avec la loi Devaquet. « J'étais au service d'ordre de l'Unef, nous sommes esplanade des Invalides, les flics nous chargent, tout le monde vole en éclats et un copain se fait arracher le pied par une grenade. Cela m'a marqué à vie, et c'est le début de mon engagement pour la défense des plus défavorisés, l'égalité, les droits de l'homme. Je ne sais pas comment on peut être de l'autre côté… » Estimant que la société va « au-delà du syndicalisme », il s'engage « forcément à gauche » et au Mouvement des jeunes socialistes. « J'ai véritablement basculé en politique à partir de 1988. Je n'avais pas 20 ans et Mitterrand cherchait des jeunes pour assurer la sécurité de ses meetings pendant la campagne de la présidentielle. J'ai assisté à tous ses discours. Je largue tout : les études, mon boulot de veilleur de nuit. Mais je vais toujours à Nanterre pour organiser des meetings ! Je fais venir Jospin, Bérégovoy, Poperen. Pendant les législatives de 86, c'est le début de Mégret (alors FN) et son orchestre dans les Hauts-de-Seine. C'était chaud, je me souviens de bastons mémorables pour coller les affiches où il fallait protéger les copains. »

Après la présidentielle victorieuse, il croise Benoît Hamon, alors rocardien, avec qui il œuvre pour l'autonomie des MJS. « Je suis lancé, me fais connaître, je suis jospiniste ! » De veilleur de nuit, il devient assistant parlementaire, en 1990, de Daniel Vaillant pour s'occuper du courant Jospin en vue du congrès de Rennes. « Je suis un des grouillots quoi. » Il en fait vite le tour. De Paris, des bureaux, des réseaux, des réunions. « J'ai côtoyé de près le microcosme du 7e arrondissement ! » Ce qui lui permet, vingt-cinq ans plus tard, de claquer la bise à une secrétaire d'État (Laurence Rossignol) à Mont-de-Marsan, lors d'une visite pour le dossier village Alzheimer. « En 1992, à 23 ans, ma vie va changer. Je vais voir Vaillant et lui dis que je veux partir de Paris. On me propose de travailler à Marseille. Mais Henri Emmanuelli, que je connaissais de la présidentielle de 1988, me propose de venir dans les Landes. J'ai foncé ! » Chargé de mission de la démocratie participative, secrétaire de section de Mont-de-Marsan, il reprend « un vrai boulot » en 1999, en étant nommé directeur de l'Alpi (5), émanation du Conseil départemental.

Un « bosseur »

En 2002, et après le séisme de la présidentielle (6), le poste de premier fédéral s'ouvre. Plutôt vu « comme un GO, pas un politique », ce fan de handball n'est pas perçu comme celui qui peut être le pivot du PS landais. Mais ce « bosseur » retourne la situation et, pendant onze ans, il en sera le patron. Cette image d'homme d'appareil lui colle cependant à la peau. Il lui manque toujours une élection sur son nom pour changer de strate. D'autant plus qu'il n'a pas réussi à s'imposer comme le candidat de la gauche à Mont-de-Marsan depuis deux mandats. « Quand j'ai quitté la fédé du PS, c'est aussi parce que j'en ai eu ras-le-bol de cette image. Mais avec mon mandat à la Région (élu en 2010, vice-président, NDLR), elle est en train de se modifier depuis cinq ans. Mais c'est un vrai sujet. » Délesté du costume de premier secrétaire, Renaud Lagrave s'est-il libéré de certains carcans ? Même certains adversaires le disent, estimant que le Lagrave « fermé, caricatural, sectaire » n'existe plus.

(1) Mouvement pour la libération des femmes. (2) Festival dédié aux musiques africaines en région parisienne. (3) Admistration économique et sociale. (4) L'Union nationale des étudiants de France. (5) Depuis 1985 l'Alpi, syndicat mixte, « fait la promotion et procède au développement de l'outil informatique dans les Landes ». (6) Jospin n'atteint pas le second tour.

Qui êtes-vous ?

« Je suis un simple militant de gauche qui se bat contre les inégalités et pour la liberté. Je tente de défendre mes convictions partout où c'est nécessaire, tout en ayant en tête l'obligation d'exemplarité des élus et notre devoir de respecter nos engagements. Dans ces moments difficiles pour notre République, je suis un infatigable défenseur de notre devise ‘‘liberté, égalité, fraternité'' à laquelle j'ajoute la laïcité. »

Ses cinq dates

5 Décembre 1986 « Mort de Malik Oussekine, c’est la fin tragique du mouvement de 1986 contre la loi Devaquet, qui marquera mon engagement politique. »

Juillet 1992 « Mon arrivée dans les Landes, à Mont-de-Marsan, la rencontre avec ma femme et le lieu de naissance de mes filles (18 et 20 ans), mon département d’adoption. »

8 Janvier 1996 « La disparition de François Mitterrand à qui je voue une admiration sans égale pour avoir su créer un espoir pour la jeunesse et la gauche. »

21 Mars 2010 « Mon élection comme conseiller régional qui faisait suite à mon élection comme conseiller municipal (2008), des mandats qui m’ont permis de défendre mes convictions et l’intérêt général. »

5 Décembre 2013 « Décès de Nelson Mandela, qui était et reste pour moi un exemple d’abnégation dans la lutte pour la liberté et l’égalité et dont les paroles résonnent chaque jour dans ma tête. »